Facebook et Instagram payants : la révolution tarifaire de Meta déconcerte les utilisateurs européens

L'annonce fracassante de Meta, proposant une version payante de ses services phares, Facebook et Instagram, a créé une onde de choc parmi les utilisateurs européens. Ce tournant inattendu intervient dans un contexte de pressions réglementaires croissantes quant à la conformité de ces réseaux sociaux au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), ainsi qu’au Digital Services Act (DSA). On peut citer, à titre d’exemple, la récente condamnation de Meta par l’autorité de protection des données norvégienne, en raison des pratiques publicitaires de la société.

💰 Pourquoi une proposition payante ?

Meta, autrefois Facebook, créé en 2004, a longtemps été synonyme de gratuité. La fameuse phrase "C’est gratuit (et ça le restera toujours)" ornait la page d'accueil jusqu'en août 2019. Ce changement, survenu quelques mois après la mise en application du RGPD, s'inscrivait probablement dans une tentative de préparer le terrain à une éventuelle transition vers un modèle payant.

Aujourd'hui, cette transition est devenue une réalité pour les utilisateurs qui se voient contraints de faire un choix pour continuer à utiliser le réseau : payer 9,99 €/mois (ou 12,99 €/mois sur mobiles pour compenser les commissions d'Apple et Google) pour une expérience sans publicité ou opter pour la version gratuite avec des annonces personnalisées.

👁️‍🗨️ La justification de cette offre inédite est présentée comme liée à "l'évolution des lois dans votre région". Cependant, les règles du RGPD étant applicables depuis le 25 mai 2018, il semblerait que cette « évolution » mentionnée fasse davantage référence au bras de fer entre Meta et les autorités de régulation et de protection des données, lesquelles ont forcé la société derrière le réseau social à repenser son modèle économique axé sur la publicité ciblée.

🎭 Nécessité économique ou échappatoire aux contraintes du RGPD ?

La question de la légitimité de cette offre payante suscite des débats houleux. De son côté, Meta, avec ses 60 à 70 000 employés dans le monde, justifie cette démarche en soulignant la nécessité de couvrir les coûts liés à la fourniture de ses services.

Cependant, les utilisateurs se demandent si le passage à un modèle payant n'est pas une réaction à l'illégalité persistante de certaines pratiques, notamment en matière de traitement des données, ainsi qu’une tentative de contourner les obligations posées par le RGPD.

⚖️ Le RGPD, en vigueur depuis quelques années, a en effet déjà posé quelques défis juridiques significatifs pour Meta. Les arrêts Schrems, la décision de l'autorité norvégienne restreignant le recours à la publicité ciblée, et la récente directive du Digital Services Act ont mis en lumière la nécessité d'une transparence accrue et du consentement explicite pour le traitement des données.

🤝 Une telle pratique est-elle acceptable au regard du RGPD ?

Le fait de conditionner l’accès à un service ou à un site web à l’acceptation de divers traceurs, ou, à défaut, au versement d’une contrepartie pécuniaire, est une pratique déjà bien connue, appelée « pay wall ». Cette pratique n’est pas illégale en soi, comme a déjà eu l’occasion de le souligner le Conseil d’Etat français, dans une décision en date du 19 juin 2020[S1]  invalidant les lignes directrices dégagées par l’EDPB à ce sujet. Elle peut en revanche le devenir si cette alternative n’offre pas, en réalité, un véritable choix à l’utilisateur.

Sur cette question, le brusque passage des services de Meta au modèle payant soulève des questions quant à la véritable liberté offerte à l’utilisateur au moment d’exercer son choix. Après 15 ans d'utilisation en Europe, les utilisateurs de Meta se trouvent face à un dilemme cornélien : payer, renoncer à leur compte, ou accepter la publicité personnalisée :

✅ Compte tenu de la dépendance construite au fil des années envers ces plateformes gratuites incontournables, peut-on vraiment considérer comme libre le consentement donné par les utilisateurs ?

💳 Il convient également de tenir compte du prix de cet abonnement. Dans un contexte économique où chaque euro compte, les utilisateurs sont-ils prêts à payer le prix de 9.99 €/mois (minimum) pour un service initialement gratuit ? Un tel tarif pourrait être perçu comme une pression indirecte pour maintenir le statu quo.

📝 Le caractère unilatéral de la modification contractuelle soulève lui-aussi la question de la légitimité de cette forme de consentement. La promesse historique de gratuité est aujourd'hui soumise à un changement radical, mettant en péril la confiance des utilisateurs.

Au regard de ces interrogations, il semblerait que la position dominante de Meta dans le domaine du réseau social puisse conduire les juridictions et les autorités de protection des données, en cas de litige notamment, à invalider le caractère suffisamment libre du consentement donné par les utilisateurs. 

💭 Vers un nouveau business modèle pour les réseaux sociaux ?

Dans l’attente d’une réaction de la part des autorités en charge de la protection des données, on ne peut que constater l’essoufflement de l’économie basée sur la gratuité des services pour les utilisateurs.

L’apparition du RGPD en Europe a en effet contraint de nombreux acteurs du web à repenser leur modèle de rémunération, ces derniers ne pouvant plus, par exemple, recourir aussi facilement aux publicités ciblées (qui se vendent bien plus chères que les publicités non-ciblées). C’est pourquoi il est aujourd’hui fréquent de tomber sur des sites proposant l’alternative de l’abonnement à l’utilisateur souhaitant ne pas faire l’objet de ciblage (nous pouvons citer à titre d’exemple le site de Marmiton, ou encore celui de AlloCiné).

L'annonce d’un géant tel que Meta marque donc un tournant significatif dans l'univers des médias sociaux. Entre les acclamations pour une expérience sans publicité et les critiques quant au respect réel du RGPD, le débat sur la protection des données et la monétisation des plateformes en ligne est loin de se tarir.

La réaction des autorités de protection des données est très attendue. Face à l'ampleur de ce changement et aux potentielles implications légales, il ne serait pas surprenant de voir émerger des actions collectives contestant cette transition abrupte. L'industrie des réseaux sociaux pourrait alors être amenée à repenser ses modèles économiques à la lumière de nouveaux enjeux juridiques.

Affaire à suivre, donc ! 🔎

Article rédigé par : Ninon Maire, le 16/11/2023


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