IA et recrutement : comment garantir une conformité RGPD sans freiner l’innovation RH
Sommaire
- 1. Introduction - Le dilemme du secteur RH de 2025 : l’IA, levier d’efficacité ou zone à risque ?
- 2. Comprendre les risques réels et le cadre juridique de l’IA RH
- 3. Les trois piliers d’une IA RH conforme et responsable
- 4. Étude de cas : le triage automatisé de CV
- 5. Le rôle du DPO : partenaire stratégique de la transformation RH
- 6. L’analyse d’impact : sécuriser les projets IA en recrutement
- 7. Conclusion : une IA RH performante et éthique grâce à une gouvernance claire
1. Introduction - Le dilemme du secteur RH de 2025 : l’IA, levier d’efficacité ou zone à risque ?
L’année 2025 marque la pleine intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les processus RH. Tri automatisé de CV, planification d’entretiens, rédaction d’annonces, évaluation de candidats… L’IA s’impose comme un outil de performance face à la pénurie de talents et à la pression temporelle. Selon un rapport, 62 % des recruteurs français estiment que l’IA générative aura un impact majeur sur leur travail. (Source : LinkedIn Talent Solutions, 2025.)
Pour les directions RH, l’enjeu est stratégique : accélérer sans déshumaniser. Mais l’IA en recrutement soulève des questions fondamentales :
- Comment éviter les biais discriminatoires ?
- Comment garantir la confidentialité des données ?
- Comment se conformer au RGPD et au futur règlement européen sur l’IA ?
Le défi est clair : transformer l’IA en un levier de performance éthique.
2. Comprendre les risques réels et le cadre juridique de l’IA RH
L’intelligence artificielle en recrutement est désormais classée par le Parlement européen comme une IA à haut risque, exigeant des garanties renforcées en matière de transparence, de sécurité et d’équité. Ces exigences s’ajoutent au cadre déjà posé par le RGPD et le Code du travail français.
2.1 Les biais et discriminations automatisées
Les algorithmes ne sont jamais neutres : s’ils sont entraînés sur des données historiques biaisées, ils peuvent reproduire des schémas discriminatoires. Une IA mal calibrée peut, par exemple, privilégier des profils conformes à un modèle passé de réussite, excluant inconsciemment d’autres candidats.
- Risque juridique : toute discrimination dans le recrutement est interdite par l’article L.1132-1 du Code du Travail.
- Bon réflexe : le DRH et le DPO doivent valider les prompts et vérifier la neutralité des modèles, en s’assurant qu’ils ne génèrent pas de contenu stéréotypé.
2.2 Les transferts de données et la souveraineté numérique
L’IA repose sur la collecte et l’analyse de grandes quantités de données personnelles : CV, évaluations, échanges de courriels. L’usage d’outils hébergés hors de l’Union européenne peut impliquer des transferts non conformes.
- Exigences RGPD : les données des candidats doivent être traitées de manière confidentielle et sécurisée.
- Bon réflexe : avant tout déploiement, vérifier les clauses contractuelles types et privilégier des solutions hébergées dans l’UE.
2.3 Le risque réputationnel : entre IA émotionnelle et surveillance intrusive
Les nouveaux outils d’“IA émotionnelle”, capables d’analyser le ton de la voix ou les expressions faciales, posent un risque éthique majeur. Ces technologies, souvent inexactes et culturellement biaisées, peuvent être assimilées à une forme de surveillance des candidats.
- Principe : ces outils ne peuvent être utilisés qu’avec un consentement explicite et dans un cadre strictement défini.
- Conseil : le DPO doit accompagner les RH pour interdire ces pratiques ou les encadrer rigoureusement.
3. Les trois piliers d’une IA RH conforme et responsable
Pour concilier innovation et conformité, les directions RH doivent s’appuyer sur une gouvernance claire, co-construite avec leur DPO.
Pilier 1 — La charte d’usage de l’IA RH
La première étape consiste à définir les règles d’utilisation de l’intelligence artificielle en recrutement. Cette charte précise le rôle de l’IA : un assistant, jamais un décideur.
- Règle d’or : l’IA peut présélectionner, mais ne doit jamais disqualifier un candidat sans revue humaine.
- Transparence : les candidats doivent être informés de l’usage d’outils automatisés dans le processus de recrutement.
Pilier 2 — L’audit et la vérification des outils IA
Avant toute intégration, les outils doivent être audités sous l’angle de la fiabilité, de la sécurité et de la conformité RGPD.
- Un audit des algorithmes permet de détecter d’éventuels biais ou erreurs.
- L’utilisation d’un SIRH intégré et sécurisé limite les risques de fuite de données et garantit une meilleure traçabilité.
Les entreprises peuvent s’appuyer sur un DPIA (Analyse d’Impact relative à la Protection des Données) lorsque le traitement est jugé à haut risque.
Pilier 3 — La formation des équipes RH
L’humain reste le maillon essentiel d’un recrutement éthique. Les équipes doivent être formées pour :
- interpréter les résultats de l’IA avec discernement,
- détecter les biais ou anomalies,
- maîtriser la rédaction de prompts neutres et inclusifs.
La montée en compétence des recruteurs sur l’IA est désormais une nouvelle compétence clé pour la fonction RH.
4. Étude de cas : le triage automatisé de CV
L’automatisation du tri de CV illustre les bénéfices et les risques de l’IA. Une PME utilisant un module IA pour classer les candidatures gagne en rapidité, mais découvre que certains profils atypiques sont écartés par défaut.
Erreur fréquente : l’IA élimine des profils pertinents en se basant sur des critères historiques. Correction DPO : maintenir une validation humaine obligatoire avant tout rejet.
Autre dérive fréquente : la fiabilité des informations contenues dans les CV. Selon une étude menée par Robert Half en 2024, près de 78 % des candidats reconnaissent avoir déjà “embelli” ou modifié certaines données de leur parcours professionnel.
Correction DPO : exploiter l’IA comme un outil d’aide à la vérification, non comme un arbitre. L’intelligence artificielle peut faciliter le croisement automatisé des informations, le contrôle des diplômes ou la détection d’incohérences via des registres sécurisés, tout en laissant la validation finale au recruteur.
Résultat : un processus plus rapide, plus sûr, et juridiquement conforme.
5. Le rôle du DPO : partenaire stratégique de la transformation RH
Le Délégué à la Protection des Données, interne ou externe, n’est pas un frein à l’innovation, mais un garant de confiance.
Ses missions clés :
- Audit des solutions IA : conformité RGPD, évaluation des biais, contrôle des transferts de données.
- Mise en place d’un guide interne : règles claires d’usage, formalisation des obligations de transparence.
- Accompagnement au changement : formation des équipes RH et sensibilisation aux risques éthiques.
Le DPO permet au DRH d’adopter l’IA en toute sécurité juridique, en évitant les risques de non-conformité et d’atteinte à la réputation, tout en renforçant la marque employeur.
Au-delà de son rôle de conseil et d’accompagnement, le DPO dispose d’outils concrets pour encadrer les projets d’intelligence artificielle et garantir leur conformité.
L’un des plus importants est l’Analyse d’Impact relative à la Protection des Données (AIPD), exigée par le RGPD et recommandée par le Comité européen de la protection des données (CEPD) pour tout traitement à haut risque.
6. L’analyse d’impact : sécuriser les projets IA en recrutement
Lorsqu’une entreprise intègre des solutions d’intelligence artificielle dans ses processus de recrutement ou de gestion des talents, elle se situe au croisement de l’innovation et de la responsabilité. C’est précisément dans ce contexte que l’Analyse d’Impact relative à la Protection des Données (AIPD) devient un levier essentiel de conformité et de confiance.
Prévue par l’article 35 du RGPD, l’AIPD vise à identifier et à atténuer les risques élevés pour les droits et libertés des personnes concernées. Le Comité européen de la protection des données (CEPD) recommande d’y recourir dès qu’un traitement repose sur des technologies innovantes, implique du profilage ou peut influencer significativement le parcours professionnel d’un individu — autant de situations typiques dans le recrutement automatisé.
La CNIL souligne que ces traitements présentent presque toujours un risque élevé, en raison de la sensibilité des données traitées (CV, évaluations, entretiens vidéo) et de l’impact potentiel sur les candidats. L’AIPD permet donc de documenter les risques, de décrire les mesures de sécurité mises en œuvre et de garantir la transparence du processus. Même lorsqu’une organisation conclut qu’une AIPD n’est pas nécessaire, le CEPD rappelle — dans son Avis 28/2024 — que cette décision doit être formellement justifiée et conservée comme preuve de conformité.
Enfin, avec l’entrée en vigueur du Règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act), ces démarches prennent une dimension stratégique : les systèmes d’IA qualifiés de “haut risque”, notamment ceux utilisés pour le recrutement, devront démontrer leur conformité par une documentation claire et un suivi rigoureux. En pilotant ces analyses, le DPO ne se contente plus d’assurer la conformité : il devient le garant d’une IA de confiance, alignée avec les valeurs de transparence et d’équité portées par la fonction RH.
7. Conclusion : une IA RH performante et éthique grâce à une gouvernance claire
L’intelligence artificielle transforme durablement la fonction RH. Elle offre une opportunité unique de renforcer la réactivité, la précision et la qualité des recrutements. Mais sans cadre juridique solide et gouvernance humaine, elle peut rapidement devenir un risque.
Le DPO et le DRH forment aujourd’hui un binôme stratégique : l’un veille à la conformité, l’autre à la performance. Ensemble, ils posent les bases d’une IA de confiance : responsable, transparente et respectueuse des valeurs humaines.
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