Qu'est-ce que l'anonymisation au sens du RGPD ?
L'anonymisation, au sens du Règlement général sur la protection des données (RGPD), désigne un processus irréversible qui consiste à transformer des données à caractère personnel de manière à ce qu’il soit impossible d’identifier directement ou indirectement une personne physique, même par recoupement avec d’autres informations.
Cette technique est utilisée pour protéger la confidentialité des individus tout en permettant l'exploitation des données à des fins de recherche, statistiques, analyse marketing, ou encore de partage sécurisé entre organisations, sans enfreindre le RGPD. Elle garantit que les données ne permettent plus d'identifier une personne, évitant ainsi tout risque pour sa vie privée.
Cet article explore davantage les conditions et bonnes pratiques permettant un recours à l'anonimysation compatible avec les dispositions du RGPD. ⬇️
⚖️ Définition juridique de l'anonymisation
L'article 4 du RGPD ne définit pas directement l’anonymisation, mais les lignes directrices du G29 (ancêtre du Comité européen de la protection des données - CEPD) précisent les critères pour qu’un traitement puisse être considéré comme une anonymisation :
- Identification impossible : aucune personne ne doit pouvoir être identifiée, ni directement ni indirectement, au regard de l’ensemble des moyens raisonnablement envisageables.
- Caractère irréversible : il doit être impossible de revenir aux données personnelles originales.
Le considérant 26 du RGPD ajoute que l’anonymisation place les données hors champ d’application du RGPD, car elles ne sont plus qualifiées de « données personnelles ».
📝 Principes et critères de l’anonymisation
Pour que l’anonymisation soit valide, plusieurs principes techniques et méthodologiques doivent être respectés :
1. Irreversibilité :
Il doit être techniquement impossible de réidentifier une personne à partir des données anonymisées, même en croisant ces données avec d’autres sources d’information disponibles.
Par exemple, la simple suppression des noms ou des adresses ne suffit pas si les données résiduelles (comme la géolocalisation ou l’historique d’achats) permettent une réidentification.
2. Inefficience des moyens raisonnables :
La réidentification doit être rendue impossible au regard de l'ensemble des moyens techniques disponibles, y compris ceux qui pourraient être raisonnablement utilisés par une autre organisation (comme l’intelligence artificielle ou l’analyse de grandes bases de données).
3. Évaluation continue :
L’efficacité de l’anonymisation doit être régulièrement réévaluée pour garantir qu’aucun progrès technologique ou méthode nouvelle ne puisse compromettre l’irréversibilité.
🥷 Techniques d’anonymisation
Plusieurs techniques permettent de parvenir à l’anonymisation. Elles peuvent être combinées pour renforcer la robustesse du processus.
Parmi les plus connues, nous pouvons retrouver les suivantes :
1. Suppression des données identifiantes :
La suppression totale des informations identifiantes, comme le nom, l’adresse, ou toute donnée unique.
→ Exemple : remplacer un identifiant unique par un code aléatoire ou supprimer entièrement les champs sensibles.
2. Généralisation ou agrégation :
Consiste à regrouper les données dans des catégories plus larges pour éviter une identification individuelle.
→ Exemple : regrouper des lieux spécifiques en régions administratives.
3. Randomisation :
Il s'afit de la modification des données de sorte à les rendre moins précises.
→ Exemple : transformer des dates précises de naissance en plages d’âge (« 20-30 ans ») ou
4. Perturbation ou ajout de bruit :
Les données sont modifiées de manière contrôlée afin de masquer les informations identifiantes, sans pour autant compromettre leur utilité.
→ Exemple : dans un ensemble de revenus, introduire une marge d’erreur de ± 10 % pour empêcher une corrélation exacte.
5. Substitution et permutation :
Remplacer les valeurs individuelles par des valeurs fictives, ou échanger plusieurs valeurs entre elles.
→ Exemple : substituer des adresses par des localisations aléatoires tout en conservant les distributions géographiques globales.
→ Exemple : intervertir aléatoirement les noms des villes des participants à une enquête, attribuant par exemple "Paris" à une personne initialement associée à "Lyon".
6. Échantillonnage et réduction des ensembles :
Ne conserver qu’une partie des données globales ou regrouper les données similaires.
→ Exemple : anonymiser une enquête en réduisant le nombre de catégories pour éviter que certaines réponses soient trop spécifiques.
🏷️ Différences entre anonymisation et pseudonymisation
Bien que souvent confondues, anonymisation et pseudonymisation sont très différentes.
L'anonymisation est un processus irréversible qui exclut les données du champ du RGPD. La pseudonymisation, en revanche, est un processus réversible où les identifiants directs sont supprimés ou remplacés, mais où une réidentification reste possible en cas d’accès à des clés ou des informations supplémentaires.
⚠️ Les données pseudonymisées restent soumises au RGPD.
🛑 Limites de l’anonymisation
Si l'anonymisation est une technique présentant des avantages pour la préservation de sources de données, son efficacité et sa faisabilité peuvent se trouver limitées :
- Risques résiduels de réidentification : avec la multiplication des bases de données accessibles et les progrès de l’intelligence artificielle, certaines méthodes d’anonymisation peuvent être contournées.
- Par exemple : des études ont montré qu’il est possible de réidentifier des individus à partir de jeux de données anonymisées en croisant avec des données publiques (comme des réseaux sociaux).
- Complexité technique : réaliser une anonymisation complète peut être techniquement et financièrement coûteux, notamment pour des bases de données complexes.
- Compromis utilité/confidentialité : plus l’anonymisation est poussée, plus la valeur ou la granularité des données est susceptible de diminuer.
👥 Le rôle des acteurs dans l’anonymisation
La mise en oeuvre de techniques d'anonymisation constitue un traitement de données. Ce processus doit donc respecter l'ensemble des principes du RGPD (ce n'est qu'une fois anonymisées que les données sortent du champ du RGPD, le processus même y restant soumis).
Dans ce cadre, le rôle des acteurs du traitement peuvent se résumer comme suit :
▷ Le responsable de traitement : il est en charge de s'assurer que l’anonymisation est effective avant toute diffusion ou réutilisation des données.
▷ Le sous-traitant : il doit appliquer les instructions du responsable de traitement et garantir la conformité des processus techniques employés.
🔍 Applications concrètes de l’anonymisation
Pour conclure cet article, voici quelques exemples des domaines dans lesquels l'anonymisation peut présenter un intérêt pour les activités courantes :
- Recherche médicale : pour garantir la confidentialité des patients tout en permettant des analyses épidémiologiques ou des essais cliniques.
- Statistiques publiques : les données publiées par des organismes comme l’INSEE sont anonymisées pour protéger les citoyens.
- Analyse marketing : pour exploiter des tendances globales sans compromettre la vie privée des individus.
- Transferts de données : dans le cadre de collaborations entre entreprises, l’anonymisation peut permettre d’échanger des données sans enfreindre le RGPD.
L’anonymisation est donc une mesure essentielle pour garantir la confidentialité des données, tout en permettant aux entités y ayant recours de continuer à tirer des bénéfices d'un jeu de données. Bien qu’elle présente des défis techniques, elle permet en effet aux organisations de traiter des données tout en respectant le RGPD, notamment pour des usages secondaires (recherche, statistiques, etc.).
Une anonymisation robuste repose ainsi sur des techniques adaptées, une vigilance constante et une compréhension fine des limites du processus pour prévenir toute réidentification potentielle.
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Article rédigé par Ninon MAIRE, le 20/12/2024
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